La bataille qui s’annonce, et la guerre pour « la paix » qui va s’en suivre.

Par delà les discours triomphalistes, une véritable analyse de la situation en Irak que nous propose le Colonel Goya ici, alors que la bataille pour Mossoul vient de débuter : Analyse du Colonel Goya.
 
Le billet du Colonel Goya aborde principalement l’aspect conventionnel du conflit contre l’EI. Mais il a l’intelligence de rappeler le risque du retour en guerre insurrectionnelle après une perte territoriale quasi-totale pour l’EI. En poursuivant sur le contexte de guérilla, les phénomènes à prévoir décrits par le Colonel Goya sont déjà observés dans certaines zones reconquises.
 
Des cellules clandestines de l’EI procèdent à des opérations de guérilla notamment dans la province de Diyala. La situation est vraiment particulière dans cette province où les unités de l’armées (notamment la 5ème Division) répondent au commandement des milices (Hashd Ash-Saabi). De nombreuses exactions envers les populations majoritairement sunnites ont été commises par les forces de sécurité. Et c’est dans ce contexte que l’EI vient se placer en « défenseur » des populations et a recours à des techniques de harcèlement contre le forces de sécurité.
 
Ces harcèlements prennent la forme de DEI (Dispositifs Explosifs Improvisés – les fameuses IED), visant des convois, des patrouilles voire même pouvant cibler des personnalités. Des tirs de sniper, s’attaquant principalement à des positions des forces de sécurités ou encore des barrages. Des opérations d’assassinat de responsables, pour la plupart filmés, afin de produire un double effet : à la fois purement militaire (en éliminant des responsables de milices/gouvernementaux) et psychologique (en filmant les exécutions pour susciter la peur).
La capitale, Bagdad, quant à elle est toujours la cible de nombreux attentats à la bombe. Quasi-quotidiens, ils viennent prouver que la chute de Falloujah n’a pas vraiment réduit la pression sur la capitale et que cette dernière est toujours vulnérable aux attentats. Cette réalité met à mal le discours du gouvernement irakien qui avait tant communiqué sur une opération de conquête rapide de Falloujah afin de protéger Bagdad des attentats. Le problème est visiblement ailleurs, et un nombre grandissant d’irakien pointe la corruption et l’inefficacité des services comme de véritables facteurs pénalisants pour la sécurité de la capitale.
 
La province d’Anbar plus militarisée, fait face à un contexte différent où les djihadistes, se déplaçant plus ou moins librement dans le désert, vont monter des attaques contre des positions fortifiées des forces de sécurité. Ces raids débutent souvent par des attaques kamikazes contre les fortifications juste avant l’assaut principal. Les environs de Hit, Routba, Haditha et Ramadi sont les plus touchés par ces raids djihadistes. Alors que l’armée américaine s’était beaucoup appuyée sur les milices sunnites pour reconquérir la province d’Anbar en 2007 et 2008, ces dernières sont depuis fortement affaiblies.
 
Pour l’heure, les milices sunnites restantes sont incapables de se défendre par elles-mêmes contre des attaques de l’EI et sont tributaires du bon vouloir du gouvernement irakien pour un soutien éventuel. De plus, les djihadistes prennent soin d’éliminer toute opposition sunnite susceptible de leur résister. Ils leur suffit d’appliquer le manuel de stratégie employé à partir de 2011 pour réduire toute concurrence sunnite.
 
Après autant d’efforts de guerre et un coût de reconstruction qui s’annonce exorbitant, il faudra se poser la question de la viabilité des options sécuritaires actuelles. La prise de Ramadi a montré une sur-dépendance à la puissance aérienne alors que l’adversaire disposait tout au plus d’une poignée de char quant à ses moyens les plus lourds dans la bataille. Actuellement 80% de la ville de Ramadi est détruite, majoritairement par l’action des frappes et par les multiples attentats suicides des djihadistes dans une moindre mesure. Il serait bon de rappeler l’expérience de Falloujah, rasée à 50% en 2004 après une action militaire intense de l’armée américaine, qui repassa sous le contrôle des organisations djihadistes en 2006…
 
Par sa capacité a retourner rapidement à l’action de guérilla, le dernier avatar djihadiste en Irak montre une fois de plus que les schémas actuels de lutte anti-terroriste sont totalement inadaptés dans le pays. De plus, la coalition internationale semble avoir totalement éludé ces aspects pourtant critiques pour assurer la paix après la fin des opérations majeures de guerre conventionnelle. Et ce n’est pas l’EI qui va supporter les coûts de reconstruction, l’assistance humanitaire et la résolution des conflits politiques ancrés mais bien le gouvernement irakien et la communauté internationale.